Le Commencement
Dès 1966, après les expériences Pré-continent I (Diogène), II (Le Monde sans Soleil), et III menées respectivement à Marseille, en mer rouge et au large de Villefranche, le commandant Cousteau imagine le concept d’un nouveau type de sous-marin : l’Argyronète, le projet du sous-marin d’intervention Argyronète fait l’objet d’une première convention entre l’Institut Français du Pétrole et l’OFRS, futur CEMA, signée le 14 décembre 1966.
L’étude Préliminaire sera confiée à M. Jean Mollard qui a déjà dirigé pour l’OFRS les études et la fabrication de la soucoupe plongeante, de Deep-Star pour la Westinghouse et qui achève la construction de la future CYANA pour le CNEXO qui va devenir IFREMER.
Jean Mollard sera par la suite, à la tête d’un pool d’ingénieurs dont certains, (et non des moindres) intègreront la COMEX dès 1970, le chef du projet ARGYRONETE abandonné en 1970 par l’état, puis du projet SAGA qu’il mènera jusqu’à son terme en 1990 pour le compte de la Comex.
Au moment de l’arrêt du projet en 1970, un certain nombre d’équipements dont la coque, les moteurs diesel, les équipements hydrauliques, la sphère largable, les régleurs en acier… ont été livrés et sont stockés dans le hangar et les magasins annexes de l’Estaque.
L’existence de la coque, des équipements et de l’étude déjà réalisée, seront déterminants pour la reprise du projet par Henri Germain Delauze et COMEX en 1981.
Fin 1982. Les responsabilités techniques et financières sont partagées avec le CNEXO, futur IFREMER.
Développé conjointement par COMEX et IFREMER, Associés au sein d’un GIE, SAGA I a été lancé en octobre 1987 et a effectué ses essais de qualification et des missions en mer de 1988 à 1990 établissant au cours de l’une d’entre elles, le record du monde de sortie plongeur d’un sous-marin à -316m.
Les ministères Français de l’Industrie et de la Recherche ont soutenu et financé pour partie le projet par l’intermédiaire du Fond de Soutien des Hydrocarbures.
Le SAGA I a également une dimension européenne et la CEE a supporté le coût de certains développements technologiques.
Enfin, le projet fait l’objet d’un accord Franco-Canadien pour le développement d’un sous-marin nucléaire civil sur la base du SAGA I. Projet abandonné après environ un an d’études pour sa complexité et son coût.
Objectifs
L’objectif du programme SAGA 1, sera d’Intervenir rapidement dans le domaine de l’offshore profond quelles que soient les conditions de surface avec une autonomie suffisante pour parcourir les trajets aller et retour de la base au chantier, effectuer les tâches prévues et assurer la sécurité de l’équipage et des plongeurs.
Le sous-marin d’intervention ARGYRONETE devait réaliser le mariage des deux techniques de pénétration de l’homme sous la mer :
1/ A l’intérieur d’une coque résistante maintenue à la pression atmosphérique (sous-marins, soucoupes plongeantes, bathyscaphes)
2/ En plongée à partir d’une base sous-marine, maintenue à la pression ambiante du milieu (maison sous la mer)
Le projet SAGA concrétisera cet Objectif en doublant la capacité d’intervention adoptée par le projet Argyronète qui passe de -300m a -600m en plongée atmosphérique et a –450m en intervention plongeurs. L’autonomie qui a été une des causes principale de l’arrêt du projet Argyronète, sera elle presque triplée grâce aux progrès Enregistrés dans tous les domaines pendant les dix années de sommeil.
Généralités
La coque résistante du SAGA est composée de trois parties : un compartiment en pression atmosphérique, qui abrite six hommes d’équipage et les principaux équipements, un compartiment hyperbare ou l’on peut loger jusqu’à six plongeurs, et un compartiment largable (Sphère largable) qui peut abriter les six hommes d’équipage et les ramener à la surface en cas d’avarie grave, les plongeurs pouvant être secourus au moyen d’une tourelle sans subir de décompression.
Les équipements extérieurs (batteries, réservoirs de gaz, ballasts, régleurs, tuyauterie …) sont protégés par une coque en fibre de verre /époxy (Carénage) qui lui donne sa forme particulière.
Ce sous-marin, est capable de faire intervenir ses plongeurs jusqu’à -450 m quelles que soient les conditions météorologiques de surface et de mettre en œuvre des robots(ROV) jusqu’à -600m.
Sa grande autonomie est due principalement à l’apport de deux moteurs STIRLING et au stockage d’oxygène sous forme liquide, qui permettent d’effectuer des missions de 10 à 20 jours, en parcourant plusieurs centaines de milles nautiques, sans devoir faire surface.
Il peut ainsi parcourir en plongée 1 50 milles nautiques pour parvenir au chantier sous-marin, faire intervenir ses plongeurs pendant près d’une semaine et revenir à sa base par ses propres moyens sans faire surface.
Pincipaux développements technologiques
Le projet actuel a pût être mis en chantier parce qu’un certain nombre de progrès ont été réalisés, dans plusieurs domaines technologiques essentiels pour le développement de l’intervention sous-marine.
1 Moteurs STIRLING
Il est possible de stocker dans le SAGA I autant d’énergie que dans les batteries d’un sous-marin militaire conventionnel de 2000 tonnes. L’autonomie importante qui en découle est obtenue grâce à l’utilisation de moteurs thermiques anaérobies de type STIRLING et du stockage de l’oxygène sous forme liquide.
La combinaison de ces deux technologies permet d’obtenir une densité énergétique au kilogramme embarqué très supérieure à celle fournie par les batteries acide / plomb conventionnelles.
L’énergie thermique est obtenue par combustion d’un carburant standard avec de l’oxygène pur, dans une chambre de combustion pressurisée.
La chaleur de combustion est transférée à un gaz de travail (hélium) opérant en circuit fermé et dont le cycle thermodynamique provoque le mouvement des pistons.
La pressurisation de la chambre de combustion permet d’évacuer les gaz de combustion directement dans l’eau de mer jusqu’à 200 m et par l’intermédiaire d’un suppresseur d’échappement, développé et breveté à cet effet, jusqu’à 400m.
Deux moteurs de 75 kW de ce type, développés par United Stirling, et la société Kockums (Suède), équipent le SAGA I.
2 Stockage cryogénique de l’oxygène
L’autonomie du sous-marin est directement fonction de la quantité d’oxygène pouvant être embarquée Cette considération a conduit à stocker l’oxygène nécessaire sous phase liquide. En effet, 1 m3 d’oxygène liquide fourni environ 850 normaux m3 de gaz, soit deux fois plus qu’un stockage haute pression de même volume à 400 bar.
Le sous-marin est équipé de deux unités de stockage placées à l’extérieur de la coque résistante et permettant d’embarquer 6500 kg d’oxygène au total.
3 Réservoirs de gaz haute pression en composite
Afin de réduire les poids morts, il a été développé des réservoirs très haute pression (400 bar) constitués d’un corps en acier (liner) renforcé par un enroulement sous contrainte de fibres en composite (Kevlar Epoxy) qui double la résistance mécanique du liner.
Cet enroulement permet d’atteindre la pression de service double de celle du corps acier pour une augmentation du poids dans l’eau du réservoir limitée à 1 5 % environ.
Ces réservoirs sont utilisés pour stocker l’air comprimé nécessaire au bord, les gaz pour la plongée humaine et éventuellement de l’oxygène pour les moteurs.
4 Pilotage assisté par ordinateur
L’équipage étant limité, les fonctions de contrôle et de pilotage ont été automatisées autant que possible. Ainsi le sous-marin peut être piloté en transit par une seule personne.
5 Système de plongée humaine
Un système de plongée spécifique a été développé pour le SAGA I, caractérisé par une faible consommation en énergie et en gaz de plongée.
Cet objectif a été atteint grâce à l’aboutisse ment de deux développements technologiques importants :
-Un appareil respiratoire en circuit semi fermé, caractérisé par une assistance respiratoire efficace, même à grande profondeur, le LARA .
-Un habit chauffant à faible débit d’eau chaude utilisant de nouveaux matériaux isolants de type sandwich. La chaleur nécessaire étant récupérée dans l’énergie thermique produite par les moteurs STIRLING.
Principales caractéristiques du SAGA I
Longueur hors tout ………………………………………………………………………..28,06 m
Largeur hors tout ……………………………………………………………………………7,40 m
Hauteur hors antennes ………………………………………………………………….. 8,50 m
Déplacement de surface …………………………………………………………………… 297 t
Tirant d’ eau en surface ………………………………………………………………… 3,65 m
Déplacement en plongée ……………………………………………………………….. 545 t
Immersion maximale ……………………………………………………………………….600 m
Immersion maximale pour la plongée humaine …………………..………….450 m
Générateurs de puissance :
En surface : 1 moteur Diesel Hispano Suiza ………………………… 76 kw
En immersion : 2 moteurs Stirling ……………………………………..…. 2×75 kw
Stockage de gaz et d’énergie :
Combustible ……………………………………………………………………………………………..6200 l
Stockage cryogénique de l’oxygène ………………………………………………….……6500 kg
Air; Gaz de plongée et oxygène …………………………………………………..……..5600 Nm3
Batterie principale …………………………………………………………………………………700 Kwh
Batterie de survie …………………………………………………………………………………… 6 Kwh
Energie totale stockée à bord sous forme électrique et chimique…………10000 Kwh
Autonomie:
– Régénération de l’atmosphère: 21 jours
– Distance franchissable en surface: 1000 milles marins
– Distance franchissable en immersion: 300 à 500 milles marins
Capacité d’accueil à bord:
- Equipage: 6 membres
- Plongeurs ou spécialistes embarqués: 6 membres
- Passager invité: 1 personne
Système de navigation :
- Poste de pilotage automatique SAGEM
- Positionnement de surface : Navsat, Loran C et Radar
- Positionnement en plongée : Estime par gyrocompas et Loch Doppler Positionnement acoustique : Base longue acoustique
- Instrumentation de navigation : Echosondeur, sonar panoramique, vidéo, écoute acoustique passive
Communications :
- Communications de surface : VHF et BLU
- Téléphone sous-marin
- Equipements de travail
- ROV mis en oeuvre à partir du kiosque
Charge utile pour équipements additionnels : 3 tonnes dans l’eau
(Equipements d’observation, outillages de chantier pouvant être embarqués ou débarqués pendant la mission).
Certification:
LLoyd’s Register of Shipping (classe 1 00 A1 )
Bureau Véritas
Capacité opérationnelle du SAGA I
L’autonomie du sous-marin dépend de plusieurs paramètres dont
-La distance parcourue en plongée
-La profondeur du site de travail
-L’énergie consommée par l’outillage
-Le nombre de plongeurs en saturation
En pratique, il est possible d ‘ajuster l’affectation d ‘une partie des réservoirs de stockage de gaz haute pression en fonction du profil de la mission, en choisissant par exemple d ’embarquer plus d ‘oxygène au détriment des gaz de plongée.
Après étude, les valeurs obtenues montrent que l’ensemble de la Mer du Nord peut être couverte par le SAGA I en opérant celui-ci à partir des principaux ports pétroliers des secteurs Britanniques ou Norvégiens.
Applications prévues
SAGA I est capable de réaliser une grande variété de travaux sous-marins se rapportant à trois principaux secteurs d’activité :
-Offshore pétrolier
-Recherche technologique et scientifique
-Secteur public (Gouvernements, Marines Militaires)
Offshore pétrolier
a)Missions avec intervention de plongeurs
-Maintenance des têtes de puits sous-marines (par exemple : remplacement de modules de contrôle, de vannes, enlèvement ou réparation de pilier guide, de câble emmêlé…).
-Assistance aux activités de construction (par exemple connexion de lignes de flexibles, préparation des activités de connexion de pipelines, métrologie.
-Assistance aux réparations de pipelines et de structures sous marines (par exemple : évaluation des dommages, déterrage, nettoyage de pipeline, réparation du revêtement en béton, remplacement d’anodes, installation de clamps, ..).
-Essais non destructifs (utilisation de toutes les techniques d’essais non destructifs actuels sur pipelines ou structures).
-Examen du fond (carottage, échantillonnage …).
-Intervention d’urgence (sauvetage de cloche de plongée, de sous marin, interventions d’urgence sur tête de puits et conduites, récupération d’équipements.
b) Missions sans plongeur
Le SAGA I est également conçu pour embarquer des instruments, qui sont à présent mis en œuvre depuis des supports de surface, pour des missions d’observation instrumentées:
-Sismique haute résolution préparatoire des opérations de forage
-Inspection des pré-routes de pipeline
-Inspection des pipelines à l’aide d’un ROV
-De façon générale le SAGA I dispose de la puissance et des interfaces nécessaires pour mettre en œuvre tout type d’engin télé opéré .
Recherche technologique et scientifique
-Banc d’essais de technologies nouvelles
Le SAGA I constitue en lui-même un laboratoire permettant d’évaluer les capacités de nouvelles technologies comme les sources d’énergie sous-marines, le stockage cryogénique de l’oxygène ou la conduite d’opérations de plongée humaine complexes à partir d’une base sous marine .
-Recherche scientifique
L’autonomie importante du SAGA en fait un outil bien adapté pour les missions scientifiques d’étude de l’environnement marin par observation directe et échantillonnage.
Secteur Public
Le SAGA I peut également être utilisé pour des missions d’intérêt général comme les interventions sur épave polluante ou dangereuse.
Dans le domaine militaire, le SAGA peut entreprendre des missions comme :
- La récupération de projectiles d’essais ou de cibles,
- L’évaluation d’opérations de commando,
- Toute intervention sous-marine discrète.
Enfin le SAGA I constitue un banc d’essai unique pour l’évaluation de futurs sous-marins militaires utilisant des technologies similaires.